JUGEMENT – TA DE VERSAILLES

François et Nicolas TAQUET

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Sanction administrative pour non-respect des délais de paiement interentreprises : procédure et moyens de défense

Sanction administrative pour non-respect des délais de paiement interentreprises : procédure et moyens de défense

A grands renforts de communiqués de presse, le ministère de l’Économie et des finances s’enorgueillit de lourdes amendes administratives prononcées à l’encontre de sociétés ne respectant pas la réglementation relative aux délais de paiements interentreprises. Encore récemment, SFR était sanctionné d’une telle amende pour un montant de 3,7 millions d’euros. En la matière, le droit est pour le moins léger et laisse une grande latitude à l’administration. La jurisprudence, bien que rare en la matière, montre pourtant que des moyens de défense existent.

Le principe découlant du droit européen est clair : l’article L. 441-10 du code de commerce dispose que :

« I.-Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues ne peut dépasser trente jours après la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée. Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours après la date d’émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois après la date d’émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier »

Cette obligation est détaillée et adaptée à certains secteurs spécifiques aux articles L. 441-11 à L. 441-13 du même code. Lorsque ces délais ne sont pas respectés, l’administration peut sanctionner la société après un contrôle et après avoir respecté une période contradictoire.

  1. La procédure de contrôle

Les manquements aux délais plafonds de paiement sont recherchés, constatés est sanctionnés sur la base de l’article L. 470-2 du code de commerce. Cette disposition prévoit d’abord que la procédure de contrôle se déroule dans les conditions fixées à l’article L. 450-1 à L. 450-4, L. 450-7 et L. 450-8 du code de commerce.

Très concrètement, ce sont les agents de la DGCCRF, et des DREETS qui opèrent les contrôles. Ces contrôles peuvent avoir lieu au hasard, ou même sur dénonciation d’un prestataire non payé dans les temps. A cet égard, notons toutefois que les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes courent un plus grand risque, puisqu’elles doivent communiquer les délais de paiement de leurs fournisseurs et de leurs clients[1].

Le premier contact s’opère le plus souvent par mail, téléphone ou courrier. Toutefois, les agents ne sont pas dans l’obligation de prévenir d’un contrôle sur place. Dans le cadre de leur contrôle, ces agents possèdent de larges pouvoirs. Ils possèdent un important droit d’accès aux locaux de l’entreprise[2], mais utiliseront surtout un droit de communication presque absolu[3]. Ainsi, pourront être sollicités la balance auxiliaire sous format numérique, le grand livre fournisseurs et le grand livre clients, un échantillon de factures papier et leurs preuves de paiement[4] ou encore les liasses fiscales. Les agents peuvent également entendre toute personne susceptible d’apporter des éléments utiles à leurs constatations.

Le plus souvent, ces agents procèdent dans un premier temps à une analyse du grand livre fournisseur, sur la base de laquelle, de manière échantillonnaire, ils calculent ensuite le retard moyen pondéré ainsi que le montant de rétention de trésorerie. Attention, la société contrôlée aura tout intérêt à vérifier que l’échantillon choisit par l’administration est bien représentatif de son activité[5]. Si ce premier examen fait apparaître des délais de paiement non conformes aux prescriptions légales, les agents peuvent ensuite pousser leurs investigations par un contrôle plus large et plus approfondi en sollicitant et en analysant un grand nombre de documents.

A noter : la réticence à fournir les informations et documents demandés par les agents pourra être analysée en délit « d’obstacle à l’exercice des fonctions des agents habilités » sévèrement puni par la législation.

Au terme du contrôle, les agents dressent un procès-verbal[6] qui fait foi jusqu’à preuve du contraire[7], d’où l’importance du dialogue dés la phase de contrôle.

  1. La demande de rescrit

Dans le sillage du « droit à l’erreur », la loi ESSOC a introduit un système de « rescrit » permettant à une société de demander à l’administration de prendre une position formelle sur la légalité de sa pratique. Aux termes des dispositions de l’article L. 441-15 du code de commerce :

« I.-Tout professionnel opérant dans un secteur économique mentionné au III peut demander à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation de prendre formellement position sur la conformité aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du I de l’article L. 441-10 des modalités de computation des délais de paiement qu’il envisage de mettre en place. Cette prise de position formelle a pour objet de prémunir ce professionnel d’un changement d’appréciation de l’autorité administrative qui serait de nature à l’exposer à la sanction administrative prévue à l’article L. 441-16 ».

Les deux secteurs concernés sont les suivants :

  • Le secteur de l’industrie automobile répertorié sous la division 29 de la section C de la nomenclature des activités françaises ;
  • Le secteur de la construction répertorié sous la section F de la nomenclature des activités françaises.

L’article R. 441-8 du même code désigne le DREETS comme l’autorité compétente pour cette prise de position formelle. Le contenu de la demande de rescrit, ainsi que la procédure sont fixés par voir réglementaire. C’est un arrêté du 13 mai 2019 qui fixe les modalités de demande de ce rescrit.

L’administration a deux mois à compter de la date de réception de la demande pour prendre position. La réglementation ne précise pas si l’absence de réponse fait naître une décision implicite d’acceptation ou de rejet. En l’absence de précision, il est nécessaire de se rapporter aux dispositions générales de l’article L. 321-1 du CRPA en vertu desquelles le silence de l’administration sur la demande vaut décision implicite d’acceptation. Les sociétés ont donc tout intérêt à solliciter ce rescrit.

Enfin, l’article L. 441-15 du code de commerce précise les cas dans lesquels la validité du rescrit prend fin :

  • Lorsque la situation du professionnel n’est plus identique à celle présentée dans sa demande ;
  • Lorsqu’une modification de dispositions législatives ou réglementaires de nature à affecter cette validité est entrée en vigueur ;
  • Lorsque l’autorité administrative notifie au professionnel, après l’avoir préalablement informé, la modification de son appréciation.

En revanche, le dispositif du « droit au contrôle » et son corollaire, le « droit à l’erreur » prévus par les dispositions du code des relations entre le public et l’administration ne semblent pas pouvoir être appliqués à cette sanction. En effet, le droit à l’erreur n’est pas opposable lorsque les sanctions sont « requises pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne » au sens de l’article L. 123-1 du CRPA[8]. De plus, ce droit n’est pas non plus opposable « en cas de mauvaise foi ou de fraude », ce qui, à la lecture des travaux préparatoires de la loi ESSOC, semble nécessairement être le cas en matière de retard de paiement[9]. Cela confirme une fois de plus que ce droit n’est finalement qu’un gadget rarement applicable, loin des ambitions initiales et des attentes de certains.

  1. La procédure contradictoire

Conformément au IV de l’article L. 470-2 du code de commerce : « Avant toute décision, l’administration informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu’elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix et en l’invitant à présenter, dans le délai de soixante jours, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales ». En réalité, cette disposition rappelle presque mot à mot le caractère nécessairement contradictoire de toute procédure de sanction administrative, prévu à l’article L. 122-1 du CRPA, à cette différence près que le CRPA exige, en outre, que la lettre de l’administration fasse mention expresse des griefs exprimés contre la personne visée.

Pour sa part, le Conseil d’État estime que : « le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu’elle en fait la demande »[10].

En pratique, le courrier de notification de procédure contradictoire comporte bien souvent le procès-verbal. Dans le cas contraire, la société contrôlée aura donc tout intérêt à solliciter chaque élément contenu dans le dossier de l’administration (PV, feuille de calcul, formules de calcul …). Faute de recevoir les éléments sollicités, la société pourra faire valoir l’existence d’un vice de procédure entachant la sanction d’illégalité[11].

Durant cette procédure contradictoire, la société aura également tout intérêt à formuler une réponse aussi exhaustive que possible, en fournissant, si tant est que cela soit possible, des explications sur chacune des factures litigieuses. La société pourra par exemple indiquer que certains retards correspondent à des avoirs ou fournir des preuves que les retards sont liés à une prestation contestable, ou à tout autre cause qui l’exonère de sa responsabilité. La société pourra également soutenir que les règlements ne relèvent pas des dispositions de l’article L. 441-10 du code de commerce ou de toute autre disposition opposée par l’administration[12]. Les explications doivent évidemment être accompagnées des preuves nécessaires. De même, si cela n’a pas été fait durant le contrôle, la société pourra critiquer la méthode employée par l’administration et, notamment, l’échantillon retenu. Enfin, si les retards sont non contestables, la société pourra utilement informer l’administration du paiement à ses cocontractants, des pénalités de retard dues en vertu du code de commerce. D’ailleurs, dès le début des opérations de contrôle la société a tout intérêt à effectuer ces diligences.

En revanche, la société ne pourra exciper de l’absence de facturation de la part de son cocontractant, l’article L. 441-9 du Code de commerce posant le principe d’une co-responsabilité du vendeur et de l’acheteur en matière d’infraction aux règles de facturation[13], sauf à ce qu’elle apporte la preuve qu’elle aurait sollicité en vain l’établissement de ces documents.

En outre, afin de faciliter la compréhension et les échanges, la société pourra solliciter un entretien oral auprès de l’administration. Selon le Conseil d’État les dispositions de l’article L. 122-1 du CRPA également applicables, « font obligation à l’autorité administrative de faire droit, en principe, aux demandes d’audition formées par les personnes intéressées en vue de présenter des observations orales, alors même qu’elles auraient déjà présenté des observations écrites. Ce n’est que dans le cas où une telle demande revêtirait un caractère abusif qu’elle peut être écartée »[14]. Bien entendu, l’absence de réponse à une telle demande d’entretien oral entache la sanction d’illégalité[15]. De même, l’absence flagrante de prise en compte des éléments envoyés dans la réponse de la société, entache également la sanction d’illégalité[16].

Aux termes de la procédure contradictoire, l’administration notifie sa sanction à la société.

  1. Le prononcé de l’amende

D’abord, notons que l’amende administrative n’est qu’un type de sanctions parmi d’autres à la disposition de l’administration. En effet, selon l’article L. 470-1 du code de commerce, la DREETS peut également, selon la méthode de la « répression graduée », prononcer un avertissement ou une injonction de cesser les agissements illicites.

Dans les cas plus sévères, l’article L. 470-2 du code de commerce dispose que passé le délai de 60 jours imparti à la société pour présenter ses observations, « l’autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l’amende ».

Comme l’indique le code, qui ne fait que reprendre la prescription de l’article du L. 211-2 du CRPA, la décision doit être motivée. Selon l’article, L. 211-5 du même code, cette motivation « doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ». Les juridictions administratives considèrent que la motivation doit permettre à l’administré de comprendre les raisons de la sanction et au juge, d’en contrôler les motifs, ce qui est le cas dés lors que la sanction mentionne par exemple le nombre de retards, le délai moyen de retard, le montant concerné, et l’ampleur de la rétention de trésorerie.

Le montant de l’amende est fixé à l’article L. 441-16 du même code qui prévoit que :

« Est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et deux millions d’euros pour une personne morale, le fait de : a) Ne pas respecter les délais de paiement prévus au I de l’article L. 441-10, au II de l’article L. 441-11, à l’article L. 441-12 et à l’article L. 441-13 ; (…) Le maximum de l’amende encourue est porté à 150 000 € pour une personne physique et quatre millions d’euros pour une personne morale en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ».

Pour ce qui est du montant de l’amende en lui-même, celui-ci a longtemps été déterminé de façon assez floue, laissant ainsi les juridictions administratives libres d’apprécier le critère de la proportionnalité comme elles l’entendaient. Toutefois, les récentes lignes directrices ont apporté les précisions attendues par les professionnels. Le Ministère énonce que : « Le critère principal de détermination de l’amende est le montant de la rétention de trésorerie générée par les manquements. Ce montant se calcule en additionnant les gains en besoin de fonds de roulement (« BFR ») générés par les retards de paiement des factures concernées », selon la méthode suivante :

Gain en BFR =

Le résultat de ce calcul est ensuite ajusté en tenant notamment compte des paramètres suivants :

  • La taille de l’entreprise, en fonction de l’importance de son chiffre d’affaires ;
  • Les circonstances et la gravité des manquements[17] ;
  • Des éventuelles difficultés financières de la société[18].

L’amende n’excède pas le maximum légal de 2 millions d’euros visé aux articles L. 441-16 du code de commerce. Toutefois, en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive, à savoir lorsque toutes les voies de recours ordinaires ont été épuisées, ce maximum légal est de 4 millions d’euros.

Suivant la logique du « name and shame », la DGCCRF peut, en vertu du V de l’article L. 470-2 du code de commerce, publier la sanction sur son site internet mais également la faire publier sur d’autres supports (journaux …) aux frais du contrevenant. Toutefois, là encore, L’autorité administrative aura du préalablement informé la personne sanctionnée du principe, des modalités et de la durée de la publication[19]. Cette sanction se trouve elle aussi « nécessairement soumise, et alors même que la loi ne le prévoirait pas expressément, au respect du principe de proportionnalité »[20].

Ensuite, soulignons que la loi a prévu une prescription : le III de l’article L. 470-2 du code du commerce prévoit que « L’action de l’administration pour la sanction des manquements mentionnés au I se prescrit par trois années révolues à compter du jour où le manquement a été commis si, dans ce délai, il n’a été fait aucun acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction de ce manquement ». En pratique, dans ses « lignes directrices » en la matière, le Ministère énonce que « Les contrôles des délais de paiement portent, sauf exceptions, sur une période d’un an correspondant au dernier exercice comptable clos ». En tout état de cause, la société objet d’une telle procédure veillera utilement à l’application de cette prescription.

L’existence d’un « bouclier pénal » au VI de l’article L. 470-2 du code de commerce n’est plus que théorique dés lors que la violation des délais de paiement a été dépénalisée.

  1. Les recours

Classiquement, une fois la décision notifiée, la société dispose de la possibilité de former un recours administratif dans les conditions prévues aux articles L. 410-1 à L. 411-7 du code des relations entre le public et l’administration.

Plus utilement, la société pourra déposer un recours devant le Tribunal administratif territorialement compétent. Le juge administratif se prononce sur les recours contre les sanctions administratives en tant que juge de plein contentieux[21]. Cela lui donne l’occasion de contrôler la proportionnalité de la sanction et éventuellement de la sanctionner en remplaçant sa propre appréciation à celle de l’administration[22].

En revanche, il est vain d’opposer des difficultés d’organisation interne, dès lors qu’il appartient aux entreprises de « prendre des mesures d’organisation interne » leur permettant de « régler ses fournisseurs dans le respect des délais de paiement fixés par l’article L. 441-6 du code de commerce »[23]. De même, la Cour administrative d’appel de Paris considère que l’administration n’a pas à caractériser un quelconque élément intentionnel de la part de la société[24].

Le principe du privilège du préalable en droit public implique que la décision est exécutoire dès sa notification. Théoriquement la société devra donc payer l’amende dés la notification du titre exécutoire correspondant.

Toutefois, ce titre de perception pourra lui aussi être contesté par une réclamation préalable et un recours contentieux. Les moyens de compétence et de forme[25] classique pourront être invoqués à son encontre[26]. La société devra également invoquer l’illégalité des titres par voie d’exception de l’illégalité de la sanction[27]. Plus intéressant, l’article L. 740-2 du code de commerce dispose que « L’amende est recouvrée comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine ». Or, sur la base des dispositions de l’article 117 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, il est jugé que « les recours administratifs ou contentieux formés à l’encontre des titres de perception destinés à assurer le recouvrement des créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine (…) ont un effet suspensif »[28]. Ainsi, la simple contestation suffit à suspendre le recouvrement de la créance.

Enfin, dans les cas les plus désespérés, les entreprises disposent toujours de la possibilité de solliciter un étalement du paiement de l’amende, auprès de la Direction des créances spéciales du Trésor, qui assure le recouvrement des sanctions prononcées pour manquements aux délais de paiement légaux.

  1. C. com. art. L. 441-14.

  2. Entre 8 heures et 20 heures, ils peuvent pénétrer dans tous lieux utilisés à des fins professionnelles et dans les lieux d’exécution d’une prestation de services. Lorsque ces lieux sont également à usage d’habitation, les contrôles ne peuvent être effectués qu’avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés ces lieux, si l’occupant s’y oppose. En dehors de ces horaires, ils peuvent également pénétrer dans ces mêmes lieux mais uniquement lorsque ceux-ci sont ouverts au public ou lorsqu’à l’intérieur de ceux-ci sont en cours des activités de production, de fabrication, de transformation, de conditionnement, de transport ou de commercialisation.

  3. Les agents peuvent exiger la communication et obtenir ou prendre copie, par tout moyen et sur tout support, des livres, factures et autres documents professionnels de toute nature, et, le cas échéant, de leurs moyens de déchiffrement, susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles, entre quelques mains qu’ils se trouvent, propres à faciliter l’accomplissement de leur mission. Ils peuvent exiger la mise à leur disposition des moyens indispensables pour effectuer leurs vérifications. Ils peuvent également recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, document ou toute justification nécessaire au contrôle. Pour le contrôle des opérations faisant appel à l’informatique, ils ont accès aux logiciels et aux données stockées ainsi qu’à la restitution en clair des informations propres à faciliter l’accomplissement de leurs missions. Ils peuvent en demander la transcription par tout traitement approprié des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle.

  4. A cet égard, les lignes directrices du Ministère excluent du contrôle les factures intragroupes.

  5. L’absence de représentativité de l’échantillon pourra valablement être contesté devant le Tribunal (CAA de Bordeaux, 17 décembre 2021, n° 19BX03016 ; v. dans le même sens pour un problème d’échantillonnage : TA de Poitiers, 5 novembre 2019, n° 1801100).

  6. C. com. art. L. 470-2.

  7. Signalons que la preuve du contraire est extrêmement compliquée à rapporter devant le juge administratif. A titre d’exemple, une société pensait pouvoir rapporter cette preuve en produisant un constat d’huissier. La Cour relève toutefois que ce constat « se borne à relever que, parmi une sélection de quarante factures reçues par courrier le 27 mars 2015, le délai entre la date d’émission de la facture et la date de sa réception varie entre 7 et 64 jours » (CAA de Lyon, 9 juillet 2020, n° 18LY01368).

  8. La législation commerciale relative aux délais de paiement est d’ailleurs une transposition assez directe de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. Toutefois, le doute reste permis à cet égard dés lors que cette directive ne mentionne à aucun moment l’obligation, pour les États membres, de prévoir des sanctions.

  9. Étude d’impact sur le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, 27 novembre 2017, p. 20 et 25 ; Rapport de la Commission spéciale de l’Assemblée nationale, 18 janvier 2018, p. 88.

  10. CE, EURL DLM Sécurité, 29 juin 2016, N° 398398, B ; CAA de Paris, 25 février 2022, n° 20PA03721.

  11. Ex : CAA de Paris, 15 février 2018, n° 16PA02957.

  12. Par exemple, le Tribunal administratif de Lyon a jugé que : « Il ressort des termes mêmes de l’article L. 443-1 du code de commerce que ces dispositions visent à sanctionner le dépassement des délais de paiement qu’elles fixent, nécessairement imputable au débiteur de l’obligation de payer. Elles n’ont ni pour objet ni pour effet de sanctionner l’octroi, par le créancier et par le biais de contrats de franchise de nature privée, dont il n’appartient au demeurant pas au juge administratif de connaître, de délais de paiement supérieurs aux délais légaux. Dès lors, en prononçant, sur le fondement des dispositions de l’article L. 443-1 2° du code de commerce, une sanction à l’encontre de la société Distribution Casino France pour avoir fait bénéficier à certains de ses débiteurs franchisés de délais de paiement excédant ceux fixés par les mêmes dispositions, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Auvergne-Rhône-Alpes a fait une inexacte application des dispositions précitées du code de commerce » (TA de Lyon, 27 décembre 2018, n° 1708355).

  13. Ex : CAA de Lyon, 9 juillet 2020, n° 18LY01368.

  14. CE, 29 juillet 2020, n° 432267.

  15. Ex : CAA de Nantes, 5 octobre 2016, n° 14NT02723 ; CAA de Marseille, 10 juillet 2021, n° 19MA01640.

  16. Ex récent : CAA de Marseille, 17 juillet 2020, n° 18MA02853.

  17. Le fait que la société s’acquitte ou non de l’indemnité forfaitaire due de plein droit par le professionnel en situation de retard de paiement (TA de Lyon, 1er mars 2018, n° 1604528), le nombre de fournisseurs impactés par les délais, et plus généralement, « l’atteinte portée à l’ordre public économique par les manquements relevés » (CAA de Lyon, 9 juillet 2020, n° 18LY01368), l’importance relative du retard par rapport au délai maximum prévu par la réglementation (TA de Cergy-Pontoise, 30 juin 2020, n° 1801318).

  18. Dans un jugement, le Tribunal administratif de Poitiers a décidé de prendre en compte « les charges et ressources de la société » (TA de Poitiers, 5 novembre 2019, n° 1801100). Cependant, à cet égard, la Cour administrative d’appel de Paris semble avoir assez drastiquement fermé la porte à la mobilisation de ce critère. La cour estime que pour qu’une société puisse utilement invoquer ces difficultés celles-ci doivent être « de nature à compromettre la pérennité de son activité » (CAA de Paris, 7 juillet 2020, n° 18PA03828).

  19. TA de Cergy-Pontoise, 30 juin 2020, n° 1801318 ; CAA de Nancy, 6 juillet 2021, n° 19NC00777

  20. Ibid.

  21. TA de Poitiers, 5 novembre 2019, n° 1801100.

  22. Par exemple, la Cour de Marseille énonce que : « la trésorerie de la société Filclair a été négative à compter de l’exercice 2011, avec une tendance à l’aggravation jusqu’en 2016 du fait de pertes accumulées par la société Filclair qui a néanmoins maintenu son effectif de cinquante salariés. L’allongement des délais de paiement est donc, au moins pour partie, la conséquence des difficultés de trésorerie de l’entreprise. Dès lors, la société Filclair est fondée à soutenir qu’en arrêtant à 17 000 euros le montant de l’amende prononcée à son encontre, la DIRECCTE PACA a prononcé une amende d’un montant manifestement disproportionné » (CAA de Marseille, 11 octobre 2021, n° 19MA05488 ; dans le même sens, sur la disproportion de la sanction : CAA de Marseille, 14 juin 2021, n° 20MA00199 ; CAA de Paris, 7 juillet 2020, n° 19PA00009).

  23. CAA de Paris, 14 octobre 2021, n° 20PA01924.

  24. Ibid.

  25. Ainsi, en cas de contestation de la forme et en particulier de l’absence de la signature de l’auteur du titre, l’administration est dans l’obligation de justifier que l’état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de son auteur. Un titre de perception comportant les nom, prénom et qualité d’une personne distincte de celle qui a effectivement signé le bordereau des titres de perception encourt l’annulation (CAA de Nantes, 3 juin 2022, n° 21NT02575).

  26. L’article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique impose que tout titre indique « les bases de la liquidation ».

  27. Ex récent : CAA de Lyon, 9 juillet 2020, n° 18LY02830.

  28. CAA de Paris, 12 novembre 2020, n° 19PA03745.

Marchés publics : la Cour des comptes européenne sévère à l’égard de la Commission

Marchés publics : la Cour des comptes européenne sévère à l’égard de la Commission

Dans un récent rapport spécial 28/2003 relatif aux marchés publics passés au sein de la zone européenne, la Cour des Comptes européenne ne mache pas ses mots sur la politique menée par la Commission européenne, et notamment sur les directives de 2014, dont est directement issu notre code de la commande publique français. Explications.

Un cadre juridique européen

Rarement un rapport de cette institution assez méconnue n’aura autant fait parler de lui. C’est pourtant le cas du document publié ce 4 décembre 2023 par la Cour des comptes européenne (équivalent de notre Cour des comptes au niveau de l’Union européenne). Le jugement est tel, qu’immédiatement après la publication du rapport, la Commission européenne a souhaité répondre publiquement par un communiqué de presse.

Le rapport avait pour but, selon la CCE, d’évaluer l’utilisation des deniers affectés au marchés publics et surtout le niveau de concurrence de ces marchés, celui-ci devant bien entendu être le plus important possible. En effet, la Cour note que chaque année, quelque 2 000 milliards d’euros, soit 14 % du produit intérieur brut de l’UE, font l’objet de marchés publics. Etant donné l’importance des marchés publics, l’Union européenne devait, d’un point de vue démocratique, se doter dotée d’un cadre juridique adéquat. Celui-ci comprend trois directives, dont deux ont fait l’objet d’une réforme en 2014, la troisième, nouvelle, étant ajoutée cette année-là.

Avec cette refonte, l’Union entendait assouplir les marchés publics, grâce à des procédures simplifiées, améliorer l’accès des PME à la commande publique et faciliter une utilisation plus stratégique des marchés publics pour en tirer de meilleurs résultats. La réforme de 2014 visait également à renforcer les exigences en matière de transparence et à durcir les dispositions relatives à l’intégrité afin de lutter contre la corruption et la fraude.

Ces directives européennes ont été transposées directement dans le code de la commande publique français entré en vigueur le 1er avril 2019.

Un jugement sévère de la Cour

Le résultat de l’analyse de la Cour est sans appel. Pour résumer elle note que « le niveau de concurrence dans les marchés publics pour la fourniture de travaux, de biens et de services au sein du marché unique de l’UE a diminué au cours de la dernière décennie » et ce, en dépit des mesures de simplification et d’ouverture aux PME introduites par les directives de 2014.

Pour arriver à cette conclusion, les magistrats financiers constatent, après analyse des statistiques, une « augmentation globale significative des marchés à soumissionnaire unique », un « niveau élevé d’attribution directe de marchés dans la plupart des États membres », ainsi qu’un « faible nombre de marchés publics transfrontaliers directs entre les États membres ».

Ainsi, pour la Cour, l’entrée en vigueur des directives réformées n’a clairement pas eu d’effet démontrable. Pire, la juridiction financière note que les soumissionnaires et les pouvoirs adjudicateurs estiment souvent que les procédures de marché public continuent de générer une charge administrative importante. A cet égard, la réforme de 2014 est restée largement inefficace en termes de réduction des formalités administratives, les procédures s’étant allongées de près de 50 % au cours de la dernière décennie.

De plus, et peut-être plus inquiétant pour nos PME, la Cour s’étonne qu’il n’y ait pas eu de « hausse sensible de la part des petites et moyennes entreprises participant aux marchés publics », ce qui était pourtant un objectif clairement affiché des directives de 2014. De même, les aspects stratégiques (liés à l’environnement, aux conditions sociales et à l’innovation, par exemple) sont visiblement rarement pris en compte dans les appels d’offres publics puisqu’on constate que globalement, les soumissionnaires les plus bas continuent remporter la majorité des contrats.

Enfin, la Cour estime la transparence, qui constitue un rempart essentiel contre le risque de fraude et de corruption, « fait les frais de taux de publication qui stagnent à des niveaux faibles » (d’où un nombre d’entreprises soumettant des offres ayant presque diminué de moitié depuis 2011).

Les suites du rapport

Après cette analyse sévère, la Cour des comptes invite la Commission à :

  • Clarifier et hiérarchiser les objectifs en matière de marchés publics ;
  • Combler les failles dans les données collectées sur les marchés publics ;
  • Améliorer ses outils de suivi afin de permettre une meilleure analyse ;
  • Etudier plus en détail les causes profondes de la faible concurrence et proposer des mesures qui visent à lever les principaux obstacles à la concurrence dans les marchés publics.

Dans une réponse publiée par voie de communiqué de presse le 5 décembre dernier, la Commission européenne reconnait globalement les lacunes pointées du doigt par la Cour des comptes et s’engage notamment sur les quatre recommandations avec des actions très précises à dérouler d’ici 2025.

Marchés publics : la Cour des comptes européenne sévère à l’égard de la Commission

Dans un récent rapport spécial 28/2003 relatif aux marchés publics passés au sein de la zone européenne, la Cour des Comptes européenne ne mache pas ses mots sur la politique menée par la Commission européenne, et notamment sur les directives de 2014, dont est directement issu notre code de la commande publique français. Explications.

Un cadre juridique européen

Rarement un rapport de cette institution assez méconnue n’aura autant fait parler de lui. C’est pourtant le cas du document publié ce 4 décembre 2023 par la Cour des comptes européenne (équivalent de notre Cour des comptes au niveau de l’Union européenne). Le jugement est tel, qu’immédiatement après la publication du rapport, la Commission européenne a souhaité répondre publiquement par un communiqué de presse.

Le rapport avait pour but, selon la CCE, d’évaluer l’utilisation des deniers affectés au marchés publics et surtout le niveau de concurrence de ces marchés, celui-ci devant bien entendu être le plus important possible. En effet, la Cour note que chaque année, quelque 2 000 milliards d’euros, soit 14 % du produit intérieur brut de l’UE, font l’objet de marchés publics. Etant donné l’importance des marchés publics, l’Union européenne devait, d’un point de vue démocratique, se doter dotée d’un cadre juridique adéquat. Celui-ci comprend trois directives, dont deux ont fait l’objet d’une réforme en 2014, la troisième, nouvelle, étant ajoutée cette année-là.

Avec cette refonte, l’Union entendait assouplir les marchés publics, grâce à des procédures simplifiées, améliorer l’accès des PME à la commande publique et faciliter une utilisation plus stratégique des marchés publics pour en tirer de meilleurs résultats. La réforme de 2014 visait également à renforcer les exigences en matière de transparence et à durcir les dispositions relatives à l’intégrité afin de lutter contre la corruption et la fraude.

Ces directives européennes ont été transposées directement dans le code de la commande publique français entré en vigueur le 1er avril 2019.

Un jugement sévère de la Cour

Le résultat de l’analyse de la Cour est sans appel. Pour résumer elle note que « le niveau de concurrence dans les marchés publics pour la fourniture de travaux, de biens et de services au sein du marché unique de l’UE a diminué au cours de la dernière décennie » et ce, en dépit des mesures de simplification et d’ouverture aux PME introduites par les directives de 2014.

Pour arriver à cette conclusion, les magistrats financiers constatent, après analyse des statistiques, une « augmentation globale significative des marchés à soumissionnaire unique », un « niveau élevé d’attribution directe de marchés dans la plupart des États membres », ainsi qu’un « faible nombre de marchés publics transfrontaliers directs entre les États membres ».

Ainsi, pour la Cour, l’entrée en vigueur des directives réformées n’a clairement pas eu d’effet démontrable. Pire, la juridiction financière note que les soumissionnaires et les pouvoirs adjudicateurs estiment souvent que les procédures de marché public continuent de générer une charge administrative importante. A cet égard, la réforme de 2014 est restée largement inefficace en termes de réduction des formalités administratives, les procédures s’étant allongées de près de 50 % au cours de la dernière décennie.

De plus, et peut-être plus inquiétant pour nos PME, la Cour s’étonne qu’il n’y ait pas eu de « hausse sensible de la part des petites et moyennes entreprises participant aux marchés publics », ce qui était pourtant un objectif clairement affiché des directives de 2014. De même, les aspects stratégiques (liés à l’environnement, aux conditions sociales et à l’innovation, par exemple) sont visiblement rarement pris en compte dans les appels d’offres publics puisqu’on constate que globalement, les soumissionnaires les plus bas continuent remporter la majorité des contrats.

Enfin, la Cour estime la transparence, qui constitue un rempart essentiel contre le risque de fraude et de corruption, « fait les frais de taux de publication qui stagnent à des niveaux faibles » (d’où un nombre d’entreprises soumettant des offres ayant presque diminué de moitié depuis 2011).

Les suites du rapport

Après cette analyse sévère, la Cour des comptes invite la Commission à :

  • Clarifier et hiérarchiser les objectifs en matière de marchés publics ;
  • Combler les failles dans les données collectées sur les marchés publics ;
  • Améliorer ses outils de suivi afin de permettre une meilleure analyse ;
  • Etudier plus en détail les causes profondes de la faible concurrence et proposer des mesures qui visent à lever les principaux obstacles à la concurrence dans les marchés publics.

Dans une réponse publiée par voie de communiqué de presse le 5 décembre dernier, la Commission européenne reconnait globalement les lacunes pointées du doigt par la Cour des comptes et s’engage notamment sur les quatre recommandations avec des actions très précises à dérouler d’ici 2025.

Loi immigration : la nouvelle amende administrative pour emploi d’étrangers sans titre

Loi immigration : la nouvelle amende administrative pour emploi d’étrangers sans titre

Peu importe la régularité de la relation de travail structo-sensu, l’emploi d’un salarié étranger sans titre est une infraction qui permettait à l’OFII, jusqu’au 26 janvier 2024, de prononcer une importante amende administrative. Le volet « travail » de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 a modifié cette amende administrative tout en renvoyant à des décrets d’application pour les détails de sa mise en œuvre.

Illégalité de l’embauche d’un étranger sans titre

L’article L. 8251-1 du code du travail est clair : « Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ». La même interdiction vaut également lorsque le salarié possède un titre mais que l’employeur l’embauche pour une profession ou dans une zone géographique autres que celles mentionnées dans son titre.

Le salarié étranger, lui, possède les mêmes droits que n’importe quel autre salarié. Il est même considéré comme une victime de l’illégalité commise par son employeur et a la possibilité, à ce titre, de demander le rappel de certains droits. Il pourra éventuellement demander à bénéficier d’un titre de séjour régularisant sa situation. En revanche, pour ce qui est de l’employeur, il sera considéré comme ayant commis des faits de travail illégal.

Le constat pourra être réalisé par voie de procès-verbal lors d’un contrôle administratif (souvent effectué via les CODAF). Mais la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 a étendu la faculté de constat non plus aux seuls procès-verbaux (principalement de la police, gendarmerie et inspection du travail) mais également aux rapports de l’inspection du travail ce qui pourrait mathématiquement augmenter le nombre de sanctions de ce type.

La procédure contradictoire

Les procès-verbaux de constat ou rapports de contrôle sont ensuite transférés au Ministre de l’Intérieur qui sera chargé de mener une procédure contradictoire. Le flou demeure sur le contenu de cette procédure dont le contenu sera détaillé dans un futur décret.

Pour l’heure, il est tout de même possible de prévoir les choses suivantes : s’agissant d’une sanction administrative, l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration obligera nécessairement le Ministre à informer la personne visée dans le procès-verbal (ou rapport de contrôle) de l’engagement d’une procédure à son encontre et de la possibilité de présenter des observations. Le délai laissé à l’employeur devra nécessairement être un « délai raisonnable » (actuellement fixé à 15 jours à compter de la réception du courrier).

Il est clair que la jurisprudence prévalant actuellement, non seulement sur la possibilité d’accéder au procès-verbal sur demande dans le délai laissé pour présenter ses observations (CE, EURL DLM Sécurité, 29 juin 2016, N° 398398), mais également sur l’obligation pour l’administration d’inscrire cette possibilité dans le courrier à destination de l’employeur (CE, 30 décembre 2021, N° 437653), prévaudra également dans le cadre de cette nouvelle amende.

Dans le délai prévu pour présenter des observations, l’employeur pourra également exiger d’être reçu par les services du ministre afin de présenter des observations orales.

Le prononcé de l’amende

A l’issue de la période contradictoire, et en l’absence d’éléments à décharge de l’employeur, le Ministre sanctionnera l’employeur. La sanction consiste en une amende administrative unique qui remplace les deux sanctions précédentes (contribution forfaitaire et contribution spéciale). Une circulaire du 5 février dernier signée du Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et du Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti précise qu’elle sera prononcée par les services de la direction de l’immigration de la DGEF.

L’article L. 8253-1 du code du travail énonce que « lorsqu’il prononce l’amende, le ministre chargé de l’immigration prend en compte, pour déterminer le montant de cette dernière, les capacités financières de l’auteur d’un manquement, le degré d’intentionnalité, le degré de gravité de la négligence commise et les frais d’éloignement du territoire français du ressortissant étranger en situation irrégulière ».

Pour ce qui est du montant de l’amende, il est borné à un maximum de 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti (actuellement 3,94 €). Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a d’étrangers concernés.

Les voies de recours

Un employeur sanctionné pourra bien évidemment contester tant le principe que le montant de l’amende. Il pourra former à l’encontre de la sanction un recours gracieux ou contentieux dans les deux mois de sa notification. Parallèlement, il pourra contester le titre de perception, contestation qui aura pour effet de suspendre le recouvrement de la créance.

De nombreux arguments peuvent être invoqués. La forme d’abord : la décision doit être motivée en droit comme en fait et doit comporter le nom, prénom et la fonction de son signataire. La procédure contradictoire doit avoir été respectée. Surtout, sur le fond, l’employeur pourra faire valoir l’absence d’élément intentionnel : il n’est pas rare que des étrangers se procurent de faux documents d’identité ou de faux titres de séjour. Enfin, il pourra également plaider l’absence de lien de subordination, éléments essentiels à caractériser l’existence d’une relation de travail.

Collectivités : Qui doit statuer sur une demande de protection fonctionnelle visant la hiérarchie ?

Collectivités : qui doit statuer sur une demande de protection fonctionnelle visant la hiérarchie ?

Le principe de la protection fonctionnelle permet à tout agent publique (et même au-delà) de pouvoir bénéficier de la protection de son employeur pour tout dommage ou attaque subie en raison ou à l’occasion de l’exercice des fonctions. Toutefois, lorsque l’attaque consiste en des faits de harcèlement (moral ou sexuel) commis par la hiérarchie voire par l’exécutif de la collectivité, vers qui l’agent public doit-il se tourner ? Une récente décision de la Cour administrative d’appel de Paris fait le point sur cette question (CAA Paris 26 janvier 2024 22PA04963, C+).

Le principe de la protection fonctionnelle

Désormais codifié à l’article L 134-1 du Code général de la Fonction Publique (CGFP), le droit à la « protection fonctionnelle » implique que chaque agent public (y compris contractuel donc) puisse accéder à la protection de son employeur lorsque, dans le cadre ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, celui-ci subit des attaques ou dommages quelconques.

La demande doit être faite par l’agent victime auprès de son employeur, c’est-à-dire la personne ayant le pouvoir de nomination. Elle peut être faite en cas de dommage matériel, psychologique ou bien sûr corporel. Elle concerne donc les attaques physiques par des administrés à l’encontre de la personne de l’agent public ou les attaques matérielles visant les biens de l’agent (classiquement la voiture d’un agent). La demande peut également être faite en cas de dommage subit par un proche de l’agent dés lors qu’il est possible de lier l’attaque aux fonctions de l’agent.

La protection offerte par l’employeur doit être efficace et à même de prévenir, faire cesser eu/ou de réparer le dommage. Le plus souvent, cette protection prend la forme d’un paiement des honoraires de l’avocat choisi par l’agent pour le représenter dans l’engagement des actions à l’encontre des auteurs des faits. Elle peut toutefois aller bien au-delà : réparation du préjudice financier, moral ou physique, déplacement de l’agent, poursuite (éventuellement pénales) des personnes responsables. Il a même été jugé que cette protection pouvait consister, pour l’employeur d’un agent publiquement diffamé, à lui permettre de publier un droit de réponse dans un journal local (CE, 24 juillet 2019, n° 430253). … Si dans sa demande, l’agent peut suggérer les formes de la protection, c’est en revanche à l’employeur d’évaluer quelles actions sont les plus adéquates.

Application pour des faits de harcèlement

Le harcèlement moral à l’encontre d’un agent public est défini comme un ensemble « d’agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Il s’agit bien entendu d’un délit pénalement répréhensible, mais aussi d’une faute disciplinaire qui autorise une radiation des cadres.

Dans la fonction publique, le harcèlement moral est presque exclusivement le fait de collègues ou de la hiérarchie de l’agent. Ces faits entrent dans le champ d’application de la protection fonctionnelle (CE, 23 décembre 2014, n° 358340).

Ainsi, lorsqu’il subit des faits de harcèlement moral, l’agent public peut, à raison, solliciter le bénéfice de la protection fonctionnelle. Les formes de la protection sont nécessairement adaptées à ces attaques d’un genre particulier : déplacement ou mutation de l’agent victime, ou inversement, de l’agent ou des agents harceleurs, réparation financière, paiement des frais d’avocat, engagement de procédures pénales et surtout disciplinaires à l’encontre des agents responsables … les actions peuvent être multiples.

En cas de rejet de la demande, le juge adapte la charge de la preuve. Il estime que « l’intéressé qui conteste cette décision doit soumettre au juge des éléments de faits susceptibles d’en faire présumer l’existence, à charge pour l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ».

Une nécessaire conjugaison avec le principe d’impartialité

Bien souvent les faits de harcèlement sont le fait de la hiérarchie de l’agent victime. Parfois, pour les collectivités, ces faits proviennent même directement de l’exécutif local (Maire, président d’établissement public …). En théorie, l’agent victime est donc contraint de solliciter sa protection … à la personne même dont il s’estime victime. Un comble, qui ne se résolvait, jusqu’à récemment, qu’à la suite d’un passage devant le Tribunal administratif qui annulait le refus de protection fonctionnelle et enjoignait à l’autorité en cause d’accorder cette protection.

Le conseil d’Etat a mis fin à cette situation ubuesque par une décision du 29 juin 2020, dans laquelle il énonce que « Il résulte du principe d’impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison de tels actes ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l’autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné » (CE, 29 juin 2020, n°423996).

L’exécutif ne peut donc pas statuer sur la demande de protection du fonctionnaire. Mais alors, qui le peut ? La Cour Administrative d’Appel de Paris, s’appuyant sur le décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014 portant application de l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, estime que dans ce cas précis, l’exécutif local doit prendre « un arrêté désignant l’adjoint qui sera chargé de se prononcer, en toute indépendance, (…) sur la demande de protection fonctionnelle ». En conséquence, la Cour enjoint au Maire de prendre cet arrêté et à cet adjoint d’examiner la demande dans le délai d’un mois à compter de sa désignation.

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